Navigation sur l'Isère - Barrages, centrales et consorts...

[Rikou]

  Content que cela vous plaise. Et merci pour vos commentaires... Donc je continue 

[JP]

Me détectant de ton récit, je n'en attendais pas moins de toi Rikou 


Merci de nous faire voyager avec ces quelques mots qui nous transportent littéralement dans ton périple 


Vivement la suite 

[psim]

Evidemment qu'on attend la suite... 

[Jicé]

Content que cela vous plaise. Et merci pour vos commentaires... Donc je continue 

Merci à toi 

[laurent4937]

Merci Rikou pour ton récit captivant, comme d'habitude. 

[Rikou]

  ...

Assis sur le côté ouest de la terrasse du refuge, je me suis immobilisé. Songeur, je reste silencieux. À part les sifflements des marmottes et les vols fugaces de quelques chocards à bec jaune, la gente animale ne s'est pas tellement manifestée tout au long du chemin. Mais je sais que cela va changer. Les animaux sont méfiants envers Homo sapiens sapiens. Un humain en mouvement est un humain dangereux. Qui les en blâmerait. On connait tous la propension de l'être humain à dominer. : "Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre." Genèse chapitre 1, verset 28.

Mais dès que le calme revient, les animaux sortent de leurs cachettes. Les premiers téméraires sont les marmottes. Timides, tout d'abord, elles se laissent aller quand elles sentent que tout danger est écarté. Elles s'adonnent alors à leur jeu favori : attrape-moi si tu peux. Elles dévalent, à une vitesse folle, l'une derrière l'autre, au ras des pentes herbeuses, à travers les zones encore enneigées. Elles empruntent, avec une célérité inouïe, les sillons qu'elles ont tracés dans le sol, à force de passages sans cesse répétés. Progressivement, à plus ou moins longues distances, la montagne s'anime d'une dizaine de bolides poilus, dont la présence est marquée par des rais mordorés de poussières et des gerbes d'éclats argentés. Une douceur inattendue se mêle à toute cette agitation, lorsqu'une grosse mémère, passée inaperçue jusque-là, trahit sa présence par un sursaut de la truffe en ma direction, humant l'odeur de l'humain, tout proche, que je représente. Son épaisse fourrure rousse ondule tranquillement au milieu des graminées qu'elle grignote, juste avant de retourner dans son terrier.

Puis mon regard se porte au sud, vers l'entrelacement de ruisseaux qui alimentent l'Isère naissante, attiré par les mouvements saccadés de plusieurs bergeronnettes grises. Au ras de l'eau, elles agitent constamment leur queue. Elles piètent avec vivacité sur la mousse accumulée sur les bordures, prenant garde à ne pas blesser leurs griffes sur les plaques de neiges gelées. L'une d'elle s'excite à la vue d'un insecte qui émerge d'un filet d'eau, lui court après et le gobe en une bouchée avide. Ses congénères la suivent de près, espérant pouvoir, elles aussi, se sustenter. Mais il ne s'agissait que d'un moustique égaré. Le festin annoncé n'aura pas lieu. Tout s'achève dans une envolée noire et blanche, que la brutale arrivée d'un traquet motteux a provoqué.

Ce passereaux est très fort pour se camoufler. Il est parfaitement adapté au milieu rocailleux qu'il affectionne par dessus tout. Sa robe aux couleurs bigarrées lui permet de passer maître dans l'art de se rendre invisible. Il peut se trouver à moins de trois mètres de toi, s'il ne bouge pas, tu ne le vois pas.

Alors maintenant c'est à moi de jouer. Je scrute, j'examine, je déchiffre, je perce du regard le moindre mouvement suspect, la moindre variation de couleur, le plus infime changement d'état. Là ! J'en est un. Mon œil s'aguerrit et fini par en débusquer d'autres. Certains de la protection apportée par leur mimétisme, ils vaquent sans crainte à leurs occupations. Je m'immisce dans leur intimité.

Soudain, un vent froid me parcourt l'échine. Venant de l'est, il se rappelle à mon bon souvenir. Je me tourne alors pour voir à qui je dois se léger frisson qui me glace le sang. Derrière moi, dans le plus grand silence, les nuages ont perdu de l'altitude. Le temps de faire ce constat, une pluie fine se met à fondre sur les pentes abruptes du cirque qui m'entoure. C'est alors qu'une formation de chocards à bec jaune passe juste au-dessus de ma tête. L'éclat de leur plumage noir tranche étrangement sous la couverture grise qui s'avance sur moi. L'atmosphère s'assombrit. C'est le moment de partir. Je dois quitter ce berceau de vie et me lancer officiellement à la conquête de l'Isère. Conquête n'est qu'un mot. Un prétexte pour se sentir vivant.

[bruno.peru]

[Rikou]

  ...

C'est maintenant que commence le véritable périple au fil de l'Isère. Durant plusieurs jours nos chemins seront intimement liés. Elle sera ma compagne tout au long de cette aventure. J'en respecterai les humeurs, j'en épouserai les formes, j'en suivrai la respiration.

Les troubles ressentis à l'aller sont complètement oubliés. Mon corps répond parfaitement aux sollicitations de mon cerveau. Les connexions entre neurones se font sans interférences. J'avance grand train vers de nouveaux horizons. Et si je m'arrête au début des gorges du Malpasset, que je me retourne pour contempler la coupe où l'Isère, encore immature, se nourrit, ce n'est pas par nostalgie. C'est par pur plaisir. Pour satisfaire mon égoïsme. Je veux garder cette image au plus profond de ma mémoire.

Au bout de quelques minutes le plein est fait. Je peux donc me détourner de la montagne et diriger mon regard vers la vallée. Déjà les premières gouttes tombent sur mon coupe-vent. Je les entends qui frappent, pour l'instant, sans frénésie. Mais avec la rigueur d'un métronome. Mes mouvements s'enchaînent, un rythme s'installe, des idées émergent. Les pensées s'envolent et se mêlent aux notes de couleur qui m'entourent. Elles s'évaporent absorbées par les nuages gris qui me talonnent. Moi-même, je suis soustrait à ma propre conscience. Je suis plongé dans cet état second qui m'affecte parfois. Ce que j'ai appelé "effacement immédiat" échappe à tous les raisonnements, à toutes les explications. Plus rien ne s'imprime. J'erre dans une bulle vide que rien ne perturbe. À l'écart du temps et de l'espace. Une parenthèse silencieuse et immobile dans le chaos de l'Univers. À l'Instant "t", je suis sur le chemin et domine les gorges du Malpasset. À l'instant "t+1", je suis à une centaine de mètres du parking du pont Saint-Charles, sans aucune transition. Et au milieu, le néant. Pas le moindre souvenir d'un passé vieux de quelques minutes.

[bruno.peru]

   Toujours  aussi agréable à lire  , vivement la suite   

[psim]

 

L"effacement immédiat"... Attention à l'abus de Génépy pour la suite tout de même 

[Thierry 53]

J'en peu plus, c'est comme si on me servait une bonne bière dans un verre à digestif !

[DirkD]

J'en peu plus, c'est comme si on me servait une bonne bière dans un verre à digestif !

[Rikou]

  ...


Alors pour reprendre pied dans la réalité, je me focalise sur le présent. Il me semble soudain remarquer un mouvement fugace dans un enchevêtrement de rochers éparpillés. Je n'ai patienté que quelques secondes, à la lueur de mes sens recouvrés, pour que le doute se dissipe. Bien qu'encore lointain, je distingue une forme qui se déplace paisiblement, avec une certaine légèreté, dans le réseau étriqué des blocs rocheux désordonnés que l'érosion a jeté là. Il me semble reconnaître le cul blanc d'un chevreuil mais je ne suis pas assez près pour le garantir à 100 %. Je décide donc de profiter du relief qui est favorable à une progression furtive, pour me rapprocher davantage et gagner un poste idéalement placé afin d'observer mieux, puis déterminer l'animal mystère. Malheureusement, je ne saurai jamais avec certitude, lequel, du chevreuil, du chamois ou du bouquetin, me gratifia de sa présence. Arrivé à proximité de la zone choisie, je ne repère plus aucun signe de l'animal. J'ai beau scruter la zone d'éboulis dans sa globalité, la bête a disparu.

[Rikou]

L"effacement immédiat"... Attention à l'abus de Génépy pour la suite tout de même 

  Tu as raison. Parfois je "décolle" un peu. À se demander si je n'ai pas abuser d'un breuvage jusqu'à m'enivrer. Mais ... et je te laisse découvrir ce qui suit, et que je trouve, ce n'est pas bien difficile, bouleversant de vérité et de beauté. Bon, c'est du Baudelaire aussi...


https://www.youtube.com/watch?v=ZpKb5I6kxbM

[rake51]

L"effacement immédiat"... Attention à l'abus de Génépy pour la suite tout de même 

  Tu as raison. Parfois je "décolle" un peu. À se demander si je n'ai pas abuser d'un breuvage jusqu'à m'enivrer. Mais ... et je te laisse découvrir ce qui suit, et que je trouve, ce n'est pas bien difficile, bouleversant de vérité et de beauté. Bon, c'est du Baudelaire aussi...


https://www.youtube.com/watch?v=ZpKb5I6kxbM

Alors là je suis scotché mon Rikou!!!!!